Trajectoire d'émancipation n°2.

Adélie. Un de ses frères lui pince pour la énième fois le bout des seins. 

Ad:Les nichons c’est pour le cul, putain.

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J: Comment ?

Ad: Mes seins c’est pas un jeu Julien, ils ont poussé, ils ont grandi, t’as pas remarqué mais je ne mets plus de brassière ?

Quelque fois je ne mets même pas de soutif parce que c’est excitant, je les sens sous mon t-shirt, ils pointent, ils se dressent vers l’avenir, ils projettent la femme que je suis.

Le désir que je ressens, celui que je suscite. Les hommes les touchent mes seins, Julien, les hommes me touchent.

Je ne me fais des couettes que si c’est un fantasme que je sois l’écolière, là oui je suis la petite, la fragile, l’ingénue, la naïve.

« Adélie aime les sucettes, les sucettes à l’Anis. »

Là je suis leur biche, leur poulette, leur cocotte, je suis aussi pute, salope, dominatrice, les frangins vous avez pas le monopole de sexe libre parce que toi t’es PD et toi t’es parfait.

Quand on se quitte certains dimanches soirs aucun de vous 3 ne m'appelle pour savoir si je suis bien arrivée, si un gros lourd ne m'a pas tripotée dans le train, si le wifi marche, si y a un truc dans le frigo si je bosse demain oui si je bosse parce que moi aussi je bosse maintenant, j'ai plus "cours" j'ai travail, moins dur moins chiant moins payant que vous aussi mais j'ai travail.

Aucun d'entre vous n'a su quand je me suis inscrite comme donneuse de sang, puis pompier volontaire puis accompagnatrice sexuelle pour des hommes paraplégiques.

Isabelle tu ne sais même pas si j'ai le permis, en quelle année j'ai passé mon bac?

Et toi Alexandre, quel est mon numéro de sécu, par quoi ça commence ? Allez la rue où j'habite ? Même pas ?

Mon numéro de téléphone ? Mon groupe sanguin, mon signe astrologique, pour qui j'ai voté aux dernières présidentielles?

Oh merde tu verrais ta gueule (elle vote pas à droite la p’tite quand même).

Paule, Aurélie, j'ai jamais été bonne en maths un peu comme vous deux, mais si je m'en remets à la géométrie de niveau CE2, j'ai le désagréable sentiment d'être à l'intérieur d'un putain de triangle rectangle dont aucune de vous n'a envie de me voir sortir. Si la petite n'est plus petite si elle ne veut plus faire tenir l'angle droit bien droit, le triangle se casser la figure.

J’invite les plus jeunes, les petits derniers, les petites dernières à relever la tête, à arrêter d’être gentils, des mignons, sans importance, des bons élèves, de ceux qui font pas de vagues. D’arrêter de vouloir coller à l’idéal que projette nos mères, à vouloir remplir d’amour son père. À essayer de combler les manques, les vides, à être ceux qui font l’unanimité familiale. Ceux sur qui tout le monde est d’accord, sans reproches. Je n’ai plus l’âge d’offrir mon caca dans un pot à mes parents pour les rendre fiers, heureux et rassurés que je sois propre.

J’ai récupéré mon cul, et quand on le touche c’est plus pour une couche et quand le pénètre c’est plus pour un thermomètre.