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 danser avec sa mère?

Un rêve comme genèse du spectacle

“ Une nuit j'ai rêvé de monter un spectacle avec nos parents comme interprètes.

Ma mère est assise sur une chaise.

Attentive et concentrée mais je sais déjà qu’elle ne va pas y arriver. 

C’est un métier. C’est de l’expérience. Ce sont des compétences, un rapport à soi, à son corps qu’elle n’a pas.

Je suis agacée.

Elle est là qui me regarde tellement fière.

Mais pour moi, c’est insupportable, je transgresse trop de règles: la distanciation, l’intime…

 

J’ai amené ma mère au travail c’est aussi horrible que de l’avoir emmenée au lycée, en boîte, à un rencard.

C’est comme si elle était au bout de mon lit quand j’ai décidé de me prendre pour une star du porno, où qu’elle remplissait mon verre quand je m’enivre.

 

Quand elle est de l’autre côté à regarder le spectacle, je m’en fous.

Chacune est à sa place, peut importe ce que je joue, ce qu’elle voit, le cordon est coupé.

Nous sommes deux femmes à part entière.

Tant pis si elle est choquée, tant pis si elle est étonnée, tant pis si elle ne comprend pas.

Parce-que de toute façon, elle ne comprend pas.

Quand elle vient à la fin me dire sa pensée, je suis en sueur et je l’écoute pas vraiment, je me protège.

Tout est flou, lointain.

Elle ne voit que la petite fille maladroite et si gentille qu’elle a élevée, elle ne peut pas mesurer ce que ma vie de femme contient, ce que ma vie d’artiste engage.

Elle me trouve fatiguée, différente, peu souriante, dure.

Mais je m’en fous, je suis à ma place et elle à la sienne.

 

Mais là, je la regarde. Elle a franchi la ligne et c’est moi qui lui ai demandé de le faire.

Elle a envahi mon espace de femme, d’artiste.

Elle accède à un endroit interdit.

Elle m’agace, j’aimerais qu’elle soit autre: plus douée, plus intelligente, plus belle, plus grande.

C’est comme si j’avais fait un mauvais casting mais que je ne pouvais plus virer la comédienne. Je me suis prise au piège.”

 

 

 

Un PArking comme ESPACE dE JEU

 

 

- Mets toi seule sur un parking la nuit.

Je te regarde, de loin et je me raconte que:

Tu as eu besoin de prendre l’air, de fumer une cigarette, tu as eu besoin d’un espace neutre, grand et familier. Que tu es perdue seule au milieu de nulle part.


 

- Mets toi seule sur un parking la nuit, avec ton portable en mode lampe de poche.

Je te vois de loin et je me raconte que:

Il n’est pas tard, tu es sûre que ton fils a perdu son putain de doudou préféré sur ce putain de parking.  Impossible qu’il dorme, alors tu l’as laissé avec son père, tu as promis de retrouver son mouton.


 

- Mets toi seule sur un parking la nuit. On rajoute deux hommes qui arrivent vers toi dans une voiture. Je me raconte que :

Agresseurs? Clients? Ou des ados qui vont dans un coin fumer un joint dans la douceur de la nuit de juin?

 

Et puis il y a le jour. Le quotidien. Des caddies, des familles, des va et vient, des places occupées, des promos du jour.

Et puis il y a la nuit. Personne. Sauf le néon qui se voit de la Nationale mais qu'on va éteindre : liberté dramaturgique .

On va éclairer une allée, au sol. Une musique qui électrise les murs. 6 comédiens au centre.

On ne voit plus que ça depuis la Nationale, on a oublié le supermarché.

Ça ressemble à une photo. C’est beau et étrange à la fois.

Il y a une foule qui regarde. Certains sont assis, d’autres debout. On dirait une course, une fête?

Ils se déplacent ensemble comme des oiseaux migrateurs, ils agitent leurs bras.

C’est aussi mélancolique et familier qu’un paysage qui défile par la fenêtre de la voiture.

C’est drôle et cruel à la fois, ça danse, ça s'essouffle et c'est vain, et c'est bon !

C'est déjà une famille"

 

 

 

JOURNAL DE BORD

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